Les gens d'à bord

« Nous, on nous appelle les gens d’à bord ou les gens du bord, à bord du bateau alors que ceux qui sont à terre sont ceux qui sont sur le plancher des vaches, ça fait la différence. »

commande du DVD ou Blu-Ray "Les gens d'à bord"
Votre commande vous sera expédiée dès réception de votre règlement par chèque libellé à l’ordre de « Les Filmeurs Production » à l’adresse suivante: Les Filmeurs Production 1 rue saint Simon 60200 COMPIEGNE

Les archives familiales en super 8 de Daniel Wattiau nous font basculer dans ce temps révolu où la batellerie évoquait un mode de vie libre et itinérant, une culture populaire ancrée dans l’imaginaire collectif. Jean-Claude, un jeune marinier en activité offre un contrepoint contemporain relayé par les témoignages de couples de mariniers retraités de Longueil-Annel. Village qui garde encore les traces et des histoires vivantes de ces gens de l’eau perpétuant son héritage à travers la fête de la Batellerie.

Plat bord, macaron, écouart, bricole, godille, boulard, marquise… autant de mots qui à mes oreilles avaient fort peu de résonance. Et pourtant tout ce jargon étrange me devint familier au contact des anciens de Longueil Annel lorsqu’en 2008, chargé par le musée de la batellerie, je réalisais une dizaine d’entretiens avec des couples d’anciens bateliers. C’est la découverte des archives Super 8 de Daniel Wattiau qui m’ont convaincu de poursuivre mon travail par ce projet de documentaire. Elles évoquent l’atemporalité et la poésie de «l’Atalante» de Jean Vigo et me permettent d’ancrer le monde de la batellerie dans l’imaginaire collectif de manière cinématographique.

Longueil Annel, une cité de la mémoire batelière

Longueil-Annel est une commune située dans le département de l’Oise en région Picardie. Les habitants ont pour la plupart une attache avec la batellerie. Ils sont une partie de l’histoire, de la mémoire batelière et ce n’est pas pour rien que le jour de débarquer ils choisissent de s’installer ici, près du canal. Ici même, le canal latéral à l’Oise, construit en 1835, a permis plus de trafic pour les péniches.
Entre 1900 à 1950 l’activité foisonnante du transport fluvial conférait encore au village une couleur particulière. Ainsi, le village et sa trentaine de cafés et brasseries pouvaient compter le soir jusqu’à 400 habitants de plus et une centaine de bateaux en attente. L’histoire des «gens d’à bord», que je souhaite raconter, est ancrée dans ce village, incontournable carrefour de voies navigables. Le décor naturel des quais traversant ce village est aujourd’hui si calme, presque désert, alors qu’hier encore il foisonnait de vie, de passages, de commerces et d’échanges…

Les archives familiales en super 8 de Daniel Wattiau:«Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage»

Daniel Wattiau est un marinier retraité de 88 ans qui a vécu à Conflans St Honorine. Dans les années soixante dix, il a filmé à bord de son bateau «Le Rove», sa famille et ses voyages pendant une dizaine d’années. Ses images nous emmènent en Haute Seine, en Belgique, à Amsterdam, à Rouen, en Zélande etc. Par l’oeil de sa caméra on navigue sur tous types de canaux, en mer, on passe des barrages couchés, on traverse des villes, des petits coins de campagne sauvages.
La qualité technique et artistique des films super 8 est remarquable. Le spectateur est véritablement plongé dans l’intimité de la famille,du bateau, de la vie de marinier. Le père filme avec brio des moments de joie du quotidien, des instants récréatifs et ludiques desquels émanent un sentiment de liberté, une impression de mouvement continuel.

cité bateliers longueil annel les filmeurs production

Les anciens bateliers-guides, les pièces vivantes du musée

Ils sont des passeurs de savoir, de savoir faire…Ils font une visite guidée de leur propre vie, dernier lien concret qui leur permet d’exprimer leur passion, leur mode de vie, leur liberté d’antan. L’association des bateliers de Longueuil est, pour eux, le dernier exutoire d’une vie nouvelle de sédentaire. Ils éclairent les visiteurs sur un monde méconnu, une profession dont la réputation fut longtemps noircie par l’illettrisme et l’alcool.
En activité, ils trouvaient leur équilibre dans le mouvement. Retraités, ils sont d’un certain point de vue inadaptés à cette vie nouvelle, celle des «gens d’à terre». Pour les comprendre, il faut penser à l’émotion de voyageurs qui, découragés par la crise de la batellerie des années 70, ont pris la décision de débarquer avec leur épouse ; cela signifie abandonner le métier de transporteur par eau, et surtout la vie à bord qu’ils n’ont pratiquement jamais quittées depuis leur naissance.
Ce choc émotionnel leur a donné envie de faire connaître ce métier, par l’expression orale. Ils ont connu toute l’évolution de la batellerie, du halage aux automoteurs modernes. L’historique de leurs bateaux successifs est un exemple de l’évolution des artisans bateliers. Plus que des «guides» de la cité batelière, ils en sont l’âme. Ils participent à la vie culturelle à bord, et partagent leur expérience avec les visiteurs.

Jean-Claude Biencourt

Jean-Claude Biencourt a 26 ans, il est la 7éme génération de batelier dans la famille. Il navigue entre La Fère dans l’Aisne et Gennevilliers en région parisienne. Il a choisi d’être salarié chez Cemex, une entreprise qui fabrique et transporte du gravillon pour les travaux public, préférant la sécurité de l’emploi et pour se rapprocher de son fils. Chaque transport de gravillon lui prend 2 jours, et lorsqu’il a déchargé, il remonte à vide en 1 jour et demi à La Fère pour recommencer.
Son bateau de type Freycinet, n’a rien de moderne, pas de radar, pas de pilotage automatique, même pas de propulseur, juste un bon vieux macaron «à l’ancienne» comme il le dit lui même. Jean-Claude appréhende la visite de l’expert qui vient contrôler sa conformité aux normes de navigation.

cité bateliers longueil annel les filmeurs production

Il vit seul désormais sur son bateau depuis que sa fiancée qui a essayé de vivre à bord a débarqué. Une fois par semaine, il débarque à Beautor et va voir son fils de 2 ans et demi qui vit avec sa mère à Tergnier. Deux jours avant le pardon de la batellerie, il ponce, repeint et pavoise son bateau. Après l’avoir embellit de belles couleurs, il attache méticuleusement, un à un, une trentaine de drapeaux…c’est la première fois qu’il participe au «pardon». Ses grands-parents avant lui y avaient participé, il assure donc «la relève» avec fierté. Mais les difficultés s’accumulent et Jean-Claude songe à tout arrêter.